Le temps de revenir et me voilà aujourd’hui vous livrant mes
leçons du camino (chemin en espagnol). Il existe plusieurs chemins en Europe qui
mènent au tombeau de l’apôtre Jacques. Celui que j’ai suivi s’appelle le « camino
frances » ou « chemin français » dans la langue de Cervantes. Mon
témoignage est forcément quelque chose de subjectif. J’avais lu pas mal de
livres de pèlerins sur le sujet avant de partir et j’ai rencontré plusieurs
pèlerins récidivistes qui ont partagé avec moi leurs ressentis, leurs leçons de
caminos précédents. Je me retrouve parfois dans leurs retours, parfois pas. Si vous
connaissez le chemin, il en sera de même pour vous à me lire.
1. RALENTIR : dès le deuxième jour,
je comprends que cela n’a pas de sens d’arriver trop tôt (midi) à l’étape. Donc
je marche à mon rythme toujours bien sûr (soit assez soutenu) mais je prends le
temps le matin de lire le journal local, qui sait de m’arrêter déjeuner même à
quelques kilomètres de l’étape. De retour, c’est quelque chose que
j’expérimente encore plus comme par exemple la pause « lecture de Libé ou
du Monde » dans une matinée de télétravail, etc.
2. ADMIRER LA BEAUTE DU MONDE : Dostoievski
dit « la beauté sauvera le monde ». Je pense que la beauté, au sens
beauté de l’univers telle qu’elle se manifeste dans la nature jusqu’aux œuvres artistiques,
engendre des expériences émotionnelles qui nous rapprochent de Dieu. C’est la facette
spirituelle du voyage que j’ai vécu bien sûr. Il s’est agi avant tout de la
beauté de la nature et de la beauté des églises qui m’ont mis face au spirituel
au sens large moi l’agnostique qui ai été élevé dans la religion catholique. Ces
expériences du beau, je les vivais bien sûr avant le voyage mais le camino a mis
plus de relief à ses expériences dans ma vie. Au retour, j’en fait l’expérience
avec plus de conscience et je pense en avoir augmenté la fréquence.
3. SOURIRE AUX GENS : et il faut
ajouter et surtout à ceux qui ne sourient pas car c’est eux qui en ont le
plus besoin. J’ai vu cela écrit quelque part sur une pancarte sur le chemin et
cela m’a marqué. Ceux qui ne sourient pas ont souvent une bonne raison :
tristesse, etc. et bien sûr c’est évident qu’ils ont peut-être encore plus
besoin d’en recevoir, des sourires. C’est la logique du don : tu ne me
souris pas et pourtant je choisis de te sourire. De retour à Paris, les mines
renfrognées du métro, je vous souris, n’est-ce pas ?
4. 1 JOUR A LA FOIS : le camino,
comme toute parenthèse (ou mini-retraite comme le dit si bien Tim Ferriss dans
« la semaine de 4 heures ») est un espace-temps incroyable. C’est la
3ème fois que je connais ce sentiment après 2007 où j’ai fait un
tour du monde autour de projets éducatifs et environnementaux et 2012 avec un
break estival de 6 semaines en Argentine. Alors voilà tout ça pour dire que
malgré l’objectif qui peut paraître énorme (800 kms), il ne s’agit au final que
de 40 fois 20 kilomètres. Vu comme cela c’est plus simple. A mon retour, j’ai
encore plus conscience que de lotir un objectif en sous objectifs est aidant.
5. SUSPENDRE LE JUGEMENT : j’ai
toujours su que j’étais plus indulgent sur les gens d’autres pays que sur mes
compatriotes car j’ai toujours supposé la différence culturelle comme une
raison possible et du coup cela m’a invité à de la tolérance. L’idée de cette
tolérance sur le chemin, elle m’est notamment venue d’un graffiti à Sarria,
proche de l’arrivée : ne pas se moquer de ceux qui commence près de
l’arrivée. Très bien vu. Bon alors… le prochain qui me double à la file du
supermarché… je lui souris 😊
6. #BLACKHUMOUR : la meilleure preuve
est peut-être mon commentaire précédent. J’ai intégré par des retours
sympathiques de mes 2 camarades de marche australiennes que cela était un de
mes traits de personnalité et au final un atout. De retour, j’assume !
7. LA CAMINOTHERAPIE : c’était le
test, le terme je l’ai vu et bien sûr ce néologisme sublime m’a parlé. Bref, il
me faudra quelques mois et quelques années pour en mesurer la puissance mais
c’est pour moi une évidence comme le dit Thoreau dans son court essai
« Marcher » que j’ai lu sur le camino, marcher est thérapeutique. De
retour à Paris comme depuis le début du fiasco du Vélib je marche dans Paris et
c’est assez chouette c’est vrai. La marche parfois méditative me permet de me
poser.
8. MEDITATION : en lien direct avec
le point précédent, c’était parfois en pleine conscience sur des morceaux du
chemin que j’ai médité. Après le stage de MBSR fait cet hiver, de retour, la
prochaine étape sera le désormais incontournable Vipassana (retraite méditative
de 10 jours en silence).
9. DISCUSSIONS CREATIVES – « COACHING
CORNER » : un camino est unique car les personnes que l’on
rencontre sont là juste sur celui là dans leur masse. Ainsi j’ai rencontré de
nombreux récidivistes ! Ces rencontres donnent lieu à de belles discussions.
La notion de « Coaching Corner » est l’idée farfelue d’installer
quelque part sur le chemin un coin du coach pour coacher les pèlerins en
besoin. De retour, je me dis que l’idée suivra son cours…
10. SUIVRE LES FLECHES JAUNES : le
camino est super bien balisé… avec des flèches jaunes. Il y a une vraie forme
de légèreté à suivre un chemin balisé. Contrairement aux randos que je peux
faire où il faut repérer la trace, la suivre avec attention, là le camino se
veut plus léger. De retour à Paris, c’est l’idée qui m’est parfois difficile de
suivre la voie convenue, de refaire quelque chose à l’identique. J’en mesure
plus les avantages, sachant que toujours la place est là d’exercer sa liberté.
11. PRENDRE SOIN DE SON CORPS : le
camino est une épreuve pour le corps et notamment pour les pieds. Bref, j’ai
appris à les masser, le matin, à mi-étape et à l’arrivée. De retour à Paris,
c’est un rituel que je maintiens dans les marches. Je ne le faisais pas
auparavant.
12. CE QUI COMPTE PLUS QUE TOUT C’EST
L’EXPERIENCE, PAS D’ARRIVER
« Caminante no hay camino. Se hace
camino al andar. Y al volver la vista se ve la senda que nunca se ha de volver
a pisar »
« Toi qui marche il n’y a pas de
chemin. Le chemin se fait en marchant et lorsqu’on se retourne on voit le
sentier que jamais on n’empruntera à nouveau »
C’est la grande leçon du camino. C’est la
vie. Arriver, c’est le blues souvent et on veut autre chose, souvent plus haut,
plus grand, etc. Il s’agit donc d’apprécier le chemin pour lui à l’échelle du
mois, de la journée, de l’heure, sans s’ presser… de vivre l’instant présent et
de le savourer pleinement. De retour, l’idée de tout ralentir pour savourer
tout encore plus est devenue centrale. Il s’agit alors d’assumer ce
ralentissement dans un système à l’opposé où tout va plus vite à chaque
seconde.
Alors, vous partez quand?
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